vendredi 14 septembre 2007

Comment communiquer l'innovation? L'exemple de Steve Jobs




Lundi 10 Septembre 2007 le Groupement HEC Entreprendre, présidé par Laurent Didier (H 79), a organisé, en collaboration avec Jacques Birol (H 74), cofondateur du site Keljob.com, une conférence sur le thème "Communication d'entrepreneur: réveillez le Steve Jobs qui est en vous".

Jacques Birol part d'un constat simple: la communication de l'innovation n'est pas traitée et approfondie comme elle le mériterait. En particulier, en tant qu'entrepreneur on y est souvent mal préparé.

C'est pourquoi Jacques Birol s'interroge sur les techniques de communication qui rendent les "keynotes" de Steve Jobs si uniques. Au delà d'un talent de communicateur hors du commun, Steve Jobs démontre un professionnalisme et une maîtrise exceptionnels dans l'art de faire adhérer aux idées nouvelles. Ce sont ces techniques que Birol a analysées pour nous en prenant en exemple la conférence de lancement de l'iPod en 2001 (voir vidéo YouTube en en-tête).

Quelle est donc la recette d'une communication de l'innovation réussie?

1. La simplicité. Pas de charts compliqués et d'analyses de marché rébarbatives dans le discours de S. Jobs, mais un constat aussi simple qu'universel: tout le monde aime la musique. La musique existe depuis toujours (et dans toutes les civilisations). Le marché est de ce fait très vaste et sans frontières. Mondial. De surcroît, il n'y a pas vraiment de leaders sur le segment de la musique numérique. Le choix pour Apple de s'y positionner devient tout simplement une évidence à laquelle on ne peut pas échapper!

2. Analyser les choses sous un angle différent (voir aussi le concept de "Lateral Thinking"). A la place de partir dans un comparatif détaillé des caractéristiques techniques et des avantages/inconvénients des produits de musique nomade existants sur le marché en 2001, S. Jobs ne met en avant qu'un seul indicateur: le coût unitaire du morceau de musique, coût qui résulte du rapport prix du baladeur /nombre de morceaux de musique stockables dans chacun des produits du marché: baladeur CD simple, baladeur CD MP3, flashplayer, jukebox HDD. S. Jobs est ainsi rapidement en mesure d'amener son auditoire vers le constat que le prix par morceau le moins cher (0.30 USD) est offert par le produit le plus onéreux à l'achat (300 USD): le jukebox HDD. C'est sur ce segment qu'Apple va se positionner. Ca coule de source, non?

3. Rassurer en parlant de choses que tout le monde connaît. A aucun moment S. Jobs ne parle de technologie ou de spécifications abstraites. Son discours est jalonné de concepts connus et tautologiques, qui rassurent son auditoire. Par exemple lorsqu'il souhaite parler des dimensions de l'iPod, Jobs fait référence à un jeu de cartes (visuel à l'appui sur ses slides!). Tout le monde connait un jeu de cartes! Donc tout le monde peut facilement imaginer quelle taille et quel encombrement a l'iPod. Et comme c'est facile à retenir, tout le monde s'en souvient! A aucun moment Steve Jobs ne parle de produit révolutionnaire, alors que l'iPod en 2001 en est décidément un. Jacques Birol, soutient que selon son expérience "plus on parle de révolution est moins on est capable de la faire". Les vrais innovateurs n'ont pas besoin de mettre en avant leur créativité.

4. La répétition. Tous les concepts importants sont répétés au minimum 3 fois, selon un schéma constant: introduction - constat - piqûre de rappel.

5. Le "leitmotiv". Steve Jobs introduit dans le discours une unité de mesure aussi nouvelle que percutante pour l'imaginaire de son public: il s'agit des 1000 chansons (1000 songs) qu'il est possible de stocker dans l'iPod. Le refrain "1000 songs" est martelé tout au long du discours et est répété 11 fois pendant une présentation de 9 minutes (ratio de répétition par minute = 1.22 fois !). L'unité de mesure "1000 songs" est incisive puisque 1000 chansons, nous dit Jobs, ça représente à peu près l'entière bibliothèque musicale d'une personne lambda.

6. Utiliser le langage des signes. Steve Jobs a été calligraphe avant d'être informaticien et entrepreneur. Il utilise souvent le langage des signes. Par exemple en ne présentant que des slides composées d'une seule phrase écrite avec un logotype basique sur fond noir. La slide, réduite à sa plus simple expression, n'est là que pour souligner un concept et non pas pour prendre la place du conférencier! Autre exemple est l'utilisation de l'icone d'une batterie chargée pour nous parler de l'extraordinaire autonomie de l'iPod. Encore une fois, il s'agit là d'un symbole simple, car banalisé par l'utilisation des téléphones cellulaires, mais visuellement puissant et facile à retenir.

7. Le "juste flou". Certains concepts sont cités mais pas explicités afin de permettre à l'auditoire d'imaginer (et s'approprier) la suite. Certaines slides paraissent volontairement floues. Le design Apple n'apparaît pour la première fois que sur la photo du chargeur de l'iPod après presque 7 minutes de présentation (sur 9 minutes au total!).

Pour résumer, Jacques Birol nous dit que les entrepreneurs qui communiquent efficacement sont généralement ceux qui ont réussi et que leurs présentations ont souvent les traits communs suivants:

  • Phrases courtes et incisives
  • Raconter une histoire vraie et sincère que l'on souhaite partager
  • On ne "se la pète pas"
  • On vient avec des objets à montrer: ça aide le public à concrétiser et à se souvenir des concepts présentés
  • On arrive très vite (dès les premières minutes) à parler de choses concrètes et facilement compréhensibles. En effet 80% de la mémorisation d'un projet se fait dans les toutes premières minutes. Après, l'attention baisse et l'intérêt de l'auditoire aussi.

En reprenant pour conclure les mots de notre conférencier, Jacques Birol, nous pouvons dire que "Steve Jobs a induit la stratégie du DESIR dans le secteur informatique. Il y a d'abord l'attente, puis l'orchestration de la lente montée du désir, la frustration et la révélation en beauté. Il y a la transformation de l'acte d'achat et de l'utilisation en une expérience unique".

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